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Parler d’agriculture en allant voir la mer, habitants et agriculteurs bretons face aux algues vertes

Amélie CÉNET
Ecole de la Nature et du Paysage, INSA CVL, Blois

En Bretagne, la nécessité de production alimentaire entraîne des dérives environnementales. Sur les pages, le dépôt d’algues vertes potentiellement mortelles est au coeur d’un conflit politisé et médiatisé. La démarche par le paysage permet de porter un regard transversal, et de proposer une nouvelle approche des fonctionnements agricoles pour faciliter leur nécessaire évolution. En Baie de Douarnenez, le paysagiste donne à voir un espace agricole plausible pour susciter de nouvelles envies.
Depuis les années 1960, une succession de politiques nationales et européennes ont fait de la Bretagne la première région d’élevage française, aujourd’hui nécessaire à l’approvisionnement alimentaire. Les géants de l’agro-industrie sont porteurs d’enjeux socio-économiques majeurs, reposant sur la production de 26 000 exploitations agricoles. Dans ce contexte, la nécessité de production imposée aux agriculteurs entraîne des dérives environnementales. Sur les plages, les surplus de nitrates contenus dans les effluents d’élevage sont à l’origine de dépôts massifs d’algues vertes potentiellement mortelles. La mise en relation de ce phénomène avec les pratiques d’élevage a été source de débats houleux, politisés et médiatisés. Dans un espace dessiné par la nécessité de production, et au sein d’un conflit révélateur des enjeux environnementaux et de tensions politiques et sociales, quels peuvent être le positionnement du paysagiste et le rôle du paysage ? La Baie de Douarnenez, destination touristique à l’ouest du Finistère, abrite la région agricole du Porzay. Sa configuration hydraulique favorise la prolifération des algues vertes. Dans ce territoire représentatif du conflit, j’ai choisi d’arpenter le paysage et de rencontrer agriculteurs, habitants, instances publiques et associations sans a priori. La force de mon travail ne pouvait résider que dans une lecture transversale du conflit, libérée de toute étiquette. L’analyse de ce territoire a démontré une séparation spatiale des usages, et une disparition du dialogue entre agriculteurs et habitants. Ces divisions renforcent l’isolement des agriculteurs et freinent la mise en place de changements de pratiques, pourtant nécessaires à l’amélioration de la qualité de l’eau. L’objectif du projet de paysage est donc de rétablir un dialogue entre les acteurs du territoire, en proposant une nouvelle approche des fonctionnements agricoles. En partant des réalités des exploitations présentes sur le territoire, et en s’appuyant sur la mise en place d’un chemin pour rejoindre la plage, le projet propose une évolution spatiale progressive au cours des trente prochaines années. Il conçoit en même temps le tracé du chemin et les lieux qu’il traverse. Selon ses formes, ses dimensions ou ses matérialités, le parcours proposé offre différentes relations à l’espace agricole. Les représentations graphiques de ce nouveau paysage servent de support de dialogue aux acteurs actuels. Le projet ne cherche pas à dessiner un nouvel espace agricole figé, mais à donner à voir un autre possible, source de débats et d’envies. Dans ce territoire soumis à des tensions palpables, le paysage reste une notion fragile, un terme ambigu qui demande à celui qui l’emploie une prudence constante. Si le paysagiste est convaincu que cette notion est source de motivations communes, il lui faut trouver une place dans ces espaces agricoles privés, dessinés par la nécessité de produire.

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