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Elaborer le paysage pour l’habiter, le cas des agriculteurs agroforestiers de la Haute-Garonne

Mathilde RUE
Université Toulouse II Jean Jaurès, ENSP, ENSFEA

Des agriculteurs développent des pistes inventives et concrètes pour opérer la “transition”. L’expérience agroforestière, vectrice de possible réinvention d’un rapport au territoire, d’infléchissement dans un type d’agriculture, se fait expérimentation paysagère. Elle questionne le rôle de l’agriculteur dans la transformation des paysages, mais aussi, éclaire les mouvements des valeurs sociales et des désirs écologiques, au-delà de la profession agricole.
Le paysage entendu comme une modalité relationnelle – entre un individu et son environnement – s’étend à l’ensemble du territoire et de la population (Convention européenne du paysage, 2000). Il est question de « paysage ordinaire » dont chacun doit avoir à la fois la jouissance et la responsabilité. De quoi est-il fait, comment l’habitant le vit et s’en arrange ? Qui est en posture d’agir intentionnellement sur son paysage quotidien ? Cette recherche s’intéresse aux agriculteur·trice·s s’engageant en agroforesterie intraparcellaire alignée. Encouragée par la Politique agricole commune et par certains territoires, cette pratique introduit des arbres au sein des parcelles de pâture et de culture. Si peu d’agriculteurs s’y engagent, quelles sont les motivations de ceux qui le font ? Nos enquêtes conduites dans le sud-ouest de la France ont mis à jour des processus originaux d’élaboration paysagère. La force paysagère de l’agroforesterie (plastique, symbolique et sémantique) est mobilisée par chaque agriculteur au service de son projet de paysage. En construisant une méthodologie transdisciplinaire et reconductible (visite-conversation, monographies paysagères, essai cinématographique), nous avons pu mettre en évidence le terreau du processus d’élaboration et établir une typologie croisant les caractéristiques des agriculteurs et leur pratique paysagère. L’agriculteur compose son lieu de vie et de travail à partir de différentes strates paysagères formées au cours de sa trajectoire de vie et à travers la pratique de son métier (expériences sensibles, représentations sociales, imaginaires). Son action a pour fondement premier sa relation paysagère, dans ses dimensions écologique, sociale, politique, identitaire, patrimoniale, poétique et matérielle, qu’il tisse avec ce qui l’environne. Il élabore le paysage pour habiter et investir le lieu de son existence, développant un mode de faire le paysage original, susceptible de nourrir les processus classiques d’aménagement et les démarches participatives des paysagistes. Mais aussi, ces acteurs agriculteurs, proposant une révision des usages et des modes de consommation, explorent la relation entre paysage, économie et art de vivre, au sein d’un rural en transformation.

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