PRIX DIPLÔMES — MENTION SPÉCIALE

Célébrer la nature, à la mémoires des sorcières basques

Elissalde Ainhoa
ENSAPBX

ENSEIGNANTE ENCADRANTE
MARION VACONSIN
2022

Hors des murs du musée et niché dans la forêt-refuge d’Urio s’installe le mémorial aux 86 femmes victimes de la chasse aux sorcières du XVIIe siècle au nord du pays basque.
Le parcours utilise le paysage pour émouvoir et invite les corps à éprouver, célébrer et se recueillir dans la nature. Il prend la forme d’un sentier botanique qui traverse 4 tableaux faisant référence à la mythologie animiste et aux pratiques des guérisseuses.
«Les chasses aux sorcières sont des drames humains qui méritent le même respect que les lieux de mémoire comme le camp de Gurs ou le musée de la Paix à Guernica.» (Claude Labat, 2019.) Au début du XVIIè siècle des femmes sont brûlées au Pays Basque. Elles sont accusées de sorcellerie car elles détiennent, entre autres choses, des talents et savoirs de guérisseuses ainsi que des croyances païennes. Hors des murs du musée et niché dans la forêt-refuge d’Urio s’installe le mémorial de ces femmes, dont la mémoire a trop souvent été représentée de manière folklorique ou à des fins de promotion touristique. Le concept du mémorial est directement inspiré des pratiques des victimes. En effet, pour comprendre pourquoi autant de femmes furent persécutées en Europe, il faut revenir à l’identité de ces prétendues « sorcières ». Le projet de mémorial propose alors 4 tableaux qui célèbrent une nature aux forces cosmiques et telluriques en référence à la mythologie animiste que ces femmes considéraient : de l’arbre à palabre, le châtaignier symbolisant la justice, à l’entrée de la grotte, véritable seuil entre le monde mythologique et le monde des humains, en traversant le ruisseau par le pont de pierre réhabilité, pour atteindre le sommet, où se trouve la vasque aux offrandes, au pied de l’If qui symbolise l’éternité. Ces interventions sont imaginées pour permettre cette immersion physique, des sortes de refuges du corps et de l’âme, qui nous guident des profondeurs souterraines à la cime des arbres, de la terre jusqu’au ciel. Un sentier lie des lieux intimes et sensibles, des lieux vivants et résilients, dans un ravin caché mais accessible, en transmettant le savoir lié à la botanique qu’utilisaient ces femmes en médecine populaire. Le mémorial utilise le paysage pour émouvoir et invite les corps à éprouver, célébrer et se recueillir dans la nature. Le parcours est un mélange de traditions et de nouvelles images s’appuyant sur l’émotion. Un lieu pour les réflexions collectives, les réunions communautaires, un espace symbolique pour les échanges ou la contemplation. Le mémorial situé est une alternative aux clichés et à la transmission scolaire, qui imagine de nouvelles formules de découvertes adaptées à notre époque. Par exemple, proposer des rencontres, des approches pluridisciplinaires qui articulent l’histoire avec les modes de vie, les mentalités et l’art. Le paysage n’a pas de frontière, et la sorcellerie basque étant éminemment un thème transfrontalier, il paraît opportun de concevoir un projet de paysage qui s’accroche de part et d’autre de cette invisible limite entre Sare (France) et Zugarramurdi(Espagne). Encerclé par le grand paysage, c’est un mémorial qui nous situe dans le territoire et fait ainsi écho à ce qu’il s’est passé à plus grande échelle. Finalement, ce mémorial aux victimes de la chasse aux sorcières n’est autre que la proposition de contempler le paysage depuis le paysage.

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